Source

 

Le crapaud remuait et j’avais bu l’eau où vivait et où grouillait ce monstre, et je sentais dans ma bouche, dans mon gosier, dans tout mon être, comme un goût de chair morte, une odeur d’eau pourrie, et, pour comble d’horreur, je vis que le crapaud, dont les yeux avaient semblé me fixer tout d’abord, avait les deux prunelles crevées, les paupières sanguinolentes, et qu’il s’était réfugié dans cette source, supplicié et pantelant, pour y mourir. Oh, ce crapaud aveugle, cette agonie de bête mutilée dans cette eau claire au goût de sang.

Jean Lorrain : Souvenirs d’un buveur d’éther

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