« Puisque tu fais le malin, t'iras à la prison de Lantin »

 

Source : Jacob Frank, le « faux » messie, déviance de la kabbale ou théorie du complot, par Charles Novak, édition de l’Harmattan, relecture 2012-mars 2025.

Des États-Unis en passant par la France, la Grande-Bretagne, la Pologne, voire l’Allemagne, le frankisme et ses adhérents, convertis ou non convertis, se sont répartis aux quatre coins du monde. Les familles se retrouvent avec joie au cours du dix-neuvième siècle, chaque 9 av (fête juive qui commémore la destruction du Temple de Jérusalem) à Karlsbad en Bohême-Moravie. Alors que le Juif traditionnel, au même moment, y voit son plus grand malheur et la clef de la tragédie juive.

Cette joie frankiste s’explique par le fait que le frankiste adhère à l’idée selon laquelle la destruction du Temple de Salomon a permis une internationalisation du Juif au travers de la diaspora, de la terre d’Israël, il est passé à l’universalisme ; de pratiques agraires, il est passé aux pratiques purement intellectuelles et religieuses. Et ce, grâce à la destruction du Temple et à l’apparition du christianisme Juif qui trouve son assise dans la diaspora juive et « recrute » des barbares polythéistes qui deviennent peu à peu chrétiens.

C’est exactement dans ce but que le frankiste se veut champion du christianisme et créateur d’une armée frankiste de croisés capables de défendre le christianisme, la religion d’Édom, et la papauté contre tous les hérétiques, ou autres ennemis, tels que les chrétiens orthodoxes, les musulmans sunnites, ou tout simplement, les Juifs tenant du judaïsme traditionnel. Nombreux sont les frankistes et leurs descendants, notamment polonais, qui adhéreront aux couches antisémites de la société polonaise à la fin du dix-neuvième siècle. Adhésion quasi inexorable que nous retrouverons dans d’autres pays comme l’Allemagne.

Pourtant, à l’époque, malgré la grande confiance que l’Église catholique voue à cette opportunité mystique, et suite à des dénonciations forcées de six lieutenants de Frank, qui avouèrent leur vraie foi, et reconnurent que Frank était l’incarnation de Dieu, alors que Frank leur avait enjoint de ne pas le faire, l’Église met en prison le gourou, à Czestochowa. Frank, depuis cette arrestation, prêchera dans la clandestinité totale.

Le 24 février 1760, après avoir subi un interrogatoire et suite à la décision de l’évêque Turski, il est transféré à Czestochowa. Le fait qu’il eut droit, lors de son transfert, à une escorte presque royale, ainsi qu’à son cuisinier particulier, montre à quel point, d’après Alexander Kraushar, l’Église catholique, bien que le condamnant, lui vouait un respect royal.

Commentaires