Lorrain se laissa-t-il aveugler par sa soif de
« réclame » ou bien céda-t-il à la vanité de rendre publiques ses
exquises relations avec un écrivain aussi célèbre que Loti, lorsqu’il publia
ses lettres ? Quoi qu’il en soit, l’on est étonné du manque de
discernement dont il fait montre en la circonstance, offrant ainsi une si belle
occasion d’être tourné en dérision, voire d’augmenter le scandale autour de son
nom. Car, rappelons-le, les pratiques homosexuelles sont alors en France,
passibles de la correctionnelle, tandis que les psychiatres et les aliénistes,
tel l’Allemand Richard von Krafft-Ebing, dans sa célèbre Psychopathia
Sexualis, les ont diagnostiquées en tant « qu’anomalies de
l’instinct ». Même si l’on sait le « péril mauve » fréquemment
répandu dans les milieux artistiques, un Rémy de Gourmont se fait fort
rappeler, à travers ses conseils à un jeune écrivain « qu’un homme
soupçonné de mauvaises mœurs est incontestablement plus estimé qu’un homme
convaincu de mauvaises mœurs. » Nuance de taille à laquelle,
visiblement, Lorrain n’aura pas su se conformer. Dès lors, estimé pour ses dons
d’écrivain, mais déconsidéré par ses mœurs, s’inaugure pour lui une dangereuse
partie dans l’arène parisienne, joute qui se dispute sur le fil d’un rasoir et
qui va l’aiguillonner, plus que tout autre, à faire la démonstration de son
talent littéraire afin d’éteindre les bûchers allumés sur son passage par la
rumeur publique.
Thibaut d’Anthonay : Jean Lorrain
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