« Pas de panique, je suis gnostique »

 

Source : Les Sept sermons aux morts et autres textes par Carl G. Jung, éditions de L’Herne, collection Cahiers noirs

Le nombre des dieux et des diables est innombrable, tout comme la multitude des étoiles. Chaque étoile est un dieu, et l’espace qu’elle occupe est un diable. Mais le vide et le plein de l’ensemble constituent le plérome. ABRASAX représente le fonctionnement de tout. Les principaux dieux sont au nombre de quatre, quatre est aussi le nombre des dimensions de l’univers.

Un est le commencement, le dieu soleil. Deux est Éros, car il lie les contraires et s’épanouit dans la clarté. Trois est l’arbre de vie, car il remplit l’espace de formes corporelles. Quatre est le diable car il ouvre tout ce qui est fermé. Tout ce qui est chair est dissous par lui ; il est le destructeur en qui tout est anéanti.

Tout est bien pour moi à qui la connaissance de la multiplicité et de la diversité des dieux a été donnée. Mais malheur à vous si vous remplacez toutes ces déité incompatibles par un dieu unique. Car, ce faisant, vous récolterez les tourments qu’engendre la méconnaissance, et vous mutilerez la créature humaine dont la nature et le but sont l’individualité. Comment pouvez-vous être fidèles à votre vraie nature lorsque vous tentez de transformer la multitude en un ? Car ce que vous ferez aux dieux se retournera contre vous. Vous deviendrez semblables entre vous et votre vraie nature en sera mutilée.

L’égalité prévaudra non pas pour dieu mais dans l’intérêt de l’homme car les dieux sont nombreux et les hommes sont peu nombreux. Les dieux sont puissants et peuvent supporter leur diversité. De même que les étoiles, ils demeurent solitaires, séparés les uns des autres par des distances immenses, mais les hommes sont faibles et ne peuvent supporter la diversité qui est leur nature c’est pourquoi ils demeurent ensemble et ont besoin de la communion, ceci afin qu’ils puissent tolérer le fait qu’ils sont séparés et distincts. Pour l’amour de la rédemption, je vous enseigne la vérité, cette vérité au nom de laquelle j’ai été moi-même rejeté.

La multiplicité des dieux correspond à la multiplicité des hommes. Un nombre incalculable de dieux guettent et épient les hommes. Un nombre incalculable de dieux ont été des humains. L’homme partage avec les dieux sa nature. Il provient de dieu et revient vers lui.

De même qu’il ne sert à rien de réfléchir au plérome, il est inutile de vénérer la multiplicité des dieux. Et il est surtout inutile de vénérer le premier d’entre eux, l’abondance véritable, le summum bonum. Par notre prière nous ne pouvons rien en prendre et rien y ajouter car le vide dans toute son efficience et sa réalité engloutit tout.

Les dieux de la clarté forment l’univers céleste, il est divers et cette diversité est en expansion continuelle. Le dieu soleil est le seigneur suprême de cet univers céleste. Les dieux de l’obscurité forment le monde de la terre. Ils sont plus simple et leur déclin se poursuit indéfiniment ; le diable est le plus infime seigneur du monde terrestre, il est un esprit lunaire, satellite de la terre, plus petit, plus froid et plus mort que la terre.

Il n’y a pas de différence entre la puissance des dieux célestes et celle des dieux terrestres. Les dieux célestes magnifient, ceux de la terre diminuent. Le mouvement des dieux ne peut se mesurer.

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