Occulte de la personnalité

 

Il est écrit que chaque être demeure toujours mystérieux, toujours seul surtout. Nous ne pénétrons jamais dans autrui, ce qui nous y saisissons n’est qu’apparences ou affinités que nous étions seuls appelés à sentir et que d’autres ne percevront jamais. D’où la diversité des opinions que nous inspirons et toutes ont raison selon le caractère ou le tempérament qui les formule. Toutes sont également fausses aussi puisque nous ne nous connaissons pas nous-mêmes. Mais notre intériorité, notre vanité nous portent à reconnaître seules pour vraies celles qui nous flattent. Cela pour établir qu’aucune n’a d’importance. Laissez-moi pourtant vous remercier d’avoir compris et senti la grande tristesse que je crois avoir mise dans mon œuvre. L’effronterie de mes personnages, leurs vices affichés, leur cynisme effarant ne peuvent tromper que de très jeunes âmes : une âme avertie y devine aussitôt la révolte et l’amertume. Vous me direz : « Pourquoi tant de violence ? Et si inutile ? » Tout simplement parce que je suis né violent, et que la vieille piraterie atavique que je charrie encore dans mes veines me force, malgré moi, à des descentes sur des grèves aujourd’hui déshonorées par des Palaces-Hôtels et par des casinos.

Ill. : Armen Gasparian
Jean Lorrain : Lettre à Ernest Gaubert, 14.08.1904

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