Même pas mal !

 

Artaud, lorsqu’il a vingt-sept ans, envoie quelques poèmes à une revue. Le directeur de cette revue les refuse avec politesse. Artaud essaie alors d’expliquer pourquoi il tient à ces poèmes défectueux : c’est qu’il souffre d’un tel abandon de pensée qu’il ne peut négliger les formes, même insuffisantes, conquises sur cette existence centrale. Que valent les poèmes ainsi obtenus ? il s’ensuit un échange de lettres, et Jacques Rivière, le directeur de la Revue, lui propose tout à coup de publier les lettres écrites autour de ces poèmes non publiables, mais cette fois admis en partie à paraître comme exemples et témoignages. Artaud accepte à la condition de ne point truquer la réalité. C’est la célèbre correspondance avec Jacques Rivière, un événement d’une grande signification. Rivière s’est-il rendu compte de cette anomalie ? Des poèmes qu’il juge insuffisants et indignes d’être publiés cessent de l’être lorsqu’ils sont complétés par le récit de l’expérience de leur insuffisance.

Maurice Blanchot : Le Livre à venir

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