Un soir, à l’invitation du noceur impénitent qu’est
Jules Roques, Lorrain se rend au Divan japonais, un cabaret alors situé en haut
de la rue des Martyrs, où passe une inconnue nommée Yvette Guilbert. Cette
provinciale de vingt-deux ans a débuté à l’Éden-Concert, en décembre 1889,
puis, remarquée par Zidler, elle a chanté au Moulin Rouge, sous le nom de Nurse
Valérie, « afin d’exploiter le maintien que lui donne une raideur qui
passe pour britannique. » Aux dires d’Henry Bauër, qui colporte la
clabauderie chez Goncourt, elle aurait commencé, à son arrivée à Paris,
« par se placer comme bonne chez des particuliers où elle vidait des pots
de chambre » ou en tant que mannequin à quinze ans, selon François Gauzi.
Toujours est-il que Lorrain est sensible, ce soir-là, à sa silhouette presque
macabre tant elle est mince, le visage creusé par le fard blanc, les bras
d’autant plus allongés qu’ils sont hauts gantés de noir, par contraste avec sa
robe claire, requis aussi par l’aspect osé des textes de ses chansons, qui
emportent la faveur de la salle. Il ira donc la revoir afin d’approfondir ses
premières impressions.
Thibaut d’Anthonay : Jean Lorrain
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