« Descendre, c’est toute ma vie »

 

Il faudrait que je raconte ça comme un lointain voyage, maintenant que tout cela est flétri et sanglant et que j’en ai le cœur oppressé comme si j’étais descendu au septième dessous. Ils sont loin, les hauts plateaux. Descendre, c’est toute ma vie, sans doute. Qu’on me laisse croire au moins que mon Tibet à moi, mon toit du monde, était aussi haut que n’importe lequel des autres, et celui de n’importe quel monsieur, calé ou pas, titré, honoré ou miteux. Il faut pourtant que j’explique un peu tout ça, que j’en fasse des pièces détachées pour l’usage externe. C’est plus dur qu’on croit si l’on veut rester près du vrai, parce que, souvent, le vrai, c’est rien, du vent, ça passe, c’est passé, c’est filé, loin comme la lampisterie de la station nocturne, à cent à l’heure. Il faut se méfier du passé, c’est une règle générale. Dès qu’on fait jouer la mémoire, ou l’imagination, on a tendance à tout amplifier, tout fausser.

Jean Meckert : Les Coups

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