Source : L’Enquête infinie, une autre histoire du vingtième siècle, par Pacôme Thiellement, Presses Universitaires de France, réédition Alpha / Humensis, collection Philiosophie
Le 29 septembre 1888, alors qu’il fait une ronde de
nuit à Whitechapel, un agent de police londonien trouve un bout du tablier
ensanglanté de Catherine Eddowes à l’entrée d’un bâtiment sur Goulston Street.
Non loin de là, l’eau de la fontaine publique est rouge de sang, signe que le
tueur a dû s’y laver les mains. Sur le mur, au-dessus de l’endroit où se trouve
le bout de tablier, il découvre un graffiti à la craie blanche. Dans son souvenir, on avait écrit : « The
Juwes are the men that will not be blamed for nothing. » Les
Juifs / Juves sont les homes qui ne seront pas accuses pour rien. D’autres
policiers diront avoir lu : « The Juwes are not the men that will be
blamed for nothing » Les Juifs / Juves ne sont pas les hommes qui
seront accusés pour rien.
Si on n’est pas sûr de la formulation, c’est que le
graffiti aura été effacé avant l’aube sur ordre du commissaire Sir Charles
Warren, le chef de la police londonienne. Ancien général des colonies désormais
spécialisé dans la répression violente des émeutes (il est notamment le
responsable du tristement célèbre Bloody Sunday en 1887), Warren est
l’homme le plus haï de la population ouvrière londonienne. La raison pour
laquelle il a ordonné la suppression du graffiti est qu’il craignait que
celui-ci entraîne de nouvelles émeutes dans l’East End. Peu convaincus par le
travail des policiers, des citoyens menés par un certain George Lusk forment
alors le Whitechapel Vigilance Commitee, dont les membres patrouillent
dans les rues à la recherche de suspects.
À vrai dire, il n’est pas du tout certain que ce graffiti soit de la main du meurtrier. Il pourrait très bien n’avoir strictement aucun rapport et être simplement le graffiti d’un cockney antisémite à l’orthographe défectueuse. Mais le fait d’avoir ordonné la suppression de cet indice, non seulement entraînera un feu de critiques qui mèneront à la démission de Warren, mais entraînera une hypothèse « complotiste » faisant du meurtre des prostituées un rituel maçonnique sanglant. Le graffiti bizarrement rédigé évoquerait alors non les Juifs, mais les Juves, le nom que la franc-maçonnerie donne aux trois apprentis ayant travaillé à la construction du temple de Salomon et ayant assassiné leur maître Hiram Abiff. Mais si les maçons sont soumis au secret, et si le meurtre des prostituées est un meurtre rituel maçonnique, alors, pourquoi l’indiquer sur un mur visible aux yeux de tous ?
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