Le théâtre de la cruauté, c’est ce long voyage de
l’autre côté du miroir, d’où Artaud voit l’envers de ce monde mauvais. Et si
Artaud travaille son Ka à travers ses textes, c’est que, dans sa vie, désormais
asilaire, son identité devient flottante et son âme, instable. En fait, un
problème se pose, malgré tout : s’il avait libéré son Ka, qu’il finit par
appeler par un jeu de mot excédé son Kha Kha… Artaud se serait-il laissé aspiré
dans cette spirale de malheur ? Après l’écriture du Théâtre et son double,
la partie de son âme qu’Artaud a libérée, ce n’est pas son Kâ mais son Shout,
son ombre.
Rappelons que les composantes de l’être humain selon
les Anciens Égyptiens ne se réduisent pas à la tripartition âme corps esprit,
mais sont beaucoup plus nombreuses parmi lesquels Ren (notre nom secret), Ba
(l’identité céleste, représentée comme un oiseau avec un visage d’homme), Ka
(le double énergétique qui se sépare du corps lors de la mort et continue le
voyage : « le seul guide vraiment fiable à travers le monde des
morts » dira William Burroughs, probablement le poète visionnaire le plus
sérieux depuis Antonin Artaud) et Shout : l’ombre qui conditionne notre
passé comme le poids des vies précédentes sur l’actuelle. Isolée, séparée du
reste des âmes, cette dernière peut vraiment devenir dangereuse après la mort
du sujet.
Artaud par Patrick Santus
Pacôme Thiellement : L’Enquête infinie
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