« Je voulais montrer aux gens que ceux qui se
trouvent au plus bas de l’échelle de l’humanité peuvent avoir en eux la
ressource pour l’abnégation suprême. » Si Browning finit par abandonner la
dimension féminine du mélodrame, c’est parce qu’il a trouvé une voie encore
plus originale : l’homme mutilé. Qu’est-ce qu’un homme ? C’est Lon
Chaney qui inspirera à Tod Browning ce personnage d’homme d’autant plus homme
que l’épanouissement de sa masculinité lui est refusée. Solitaire et sombre, abandonné
et éclopé, malheureux, ténébreux, mais soudain parcouru par la pure lumière de
l’amour désintéressé. Au travers de ces personnages d’hommes mutilés, Tod
Browning explore une vision de la grandeur humaine qui ne passe pas par un
héroïsme viril et tapageur. Les héros joués par Lon Chaney dans ses films
permettent à Browning une redéfinition puissante de ce qu’on entend par
masculinité, qu’on confond trop avec la compétitivité sociale ou sexuelle. On
ne sait toujours pas ce qu’est un homme… Chaney est l’épiphanie de l’homme
portant une malédiction qui le dépasse. Il joue des êtres abîmés, non seulement
physiquement mais par des choix de vie très discutables les ayant amenés dans
des « zones grises », reniements ou trahisons, d’où, pourtant, on
voit qu’une puissante lumière spirituelle continue à se dégager de leur
personnalité.
Pacôme Thiellement : L’Enquête infinie
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