Ill. : Bad Company par Jenn Violetta. Texte : Carl Schmitt par David Cumin, biographie politique et intellectuelle, par David Cumin, éditions du Cerf, collections « Passages. »
L’œuvre scientifique de Schmitt
témoigne, au regard des contraintes universitaires, d’un certain dilettantisme.
Il néglige par exemple de citer les sources, ou les cite de manière incomplète.
Sa thèse d’habilitation compte moins de 130 pages, et contient très peu de
notes ; publiée en 1914, à Tübingen, elle n’est acceptée par l’université
de Strasbourg qu’en 1916. Schmitt fait souvent la synthèse de choses déjà
pensées ; c’est aussi la raison de son laxisme en matière de propriété
intellectuelle, qui l’amène à reprendre des passages d’autres auteurs sans
citer la référence. Membre de l’Association des professeurs de droit public, il
reste cependant au sein de la corporation des juristes universitaires, une
figure qui détonne, en raison de ses modestes origines sociales (fils de
cheminot) et de sa confession catholique, assumée et revendiquée.
Son catholicisme lui rend plus
difficile une carrière universitaire et lui interdit l’accès à la plus
prestigieuse université allemande, celle de Berlin, où il sera finalement nommé
en septembre 1933, réservée alors par l’usage aux professeurs protestants. En
outre, il est un intellectuel, étiquette qu’il ne rejette pas, ce qui est rare,
à droite, à l’époque et dont les centres d’intérêts dépassent ceux d’un juriste
ordinaire. Théologien érudit, passionné d’art et de littérature et de
philosophie, il est aussi un remarquable connaisseur de l’histoire du droit
vers laquelle le pousse son goût pour la philologie. Cette pensée foisonnante,
à une époque qui voit naître la spécialisation des savoirs juridiques, donne
l’impression de délaisser le champ spécifiquement juridique.
Associant le droit avec l’esthétique, la politique ou la théologie, elle suscite la perplexité des juristes positivistes, qui continuent de dominer la doctrine allemande. Schmitt insiste pourtant sur le fait, si contraire aux apparences, qu’il est « juriste et rien d’autre. » Mais c’est parce qu’il entend orienter le droit vers sa propre approche, théologique et politique du droit : étant hétéronome, le droit ne se comprend pas par lui-même.
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