Source : Le Secret de la société par Pacôme Thiellement, éditions Presses Universitaires de France, collection Perspectives critiques, fondée par Roland Jaccard
Le Quotidien englobe aussi bien la police que la pègre
et ceux que l’on appelle improprement les honnêtes gens ; la clandestinité
du crime répertorié fait aussi bien partie de ce Quotidien que les heurs et
malheurs de notre vie de chaque jour ; c’est le monde visible, celui
qu’enregistrent et que reflètent, jadis les gazettes, aujourd’hui les médias,
notre monde.
Mais il est un autre monde : de celui-là, il est
plus difficile de parler. Il n’a aucune loi, sinon celle de sa propre voracité,
de sa propre cupidité : c’est le Réel. Il est impitoyable et ne reconnaît
aucun droit. Il est inexorable et tout-puissant, quels que soient les régimes,
démocratiques ou dictatoriaux, où il opère ; les visages du pouvoir ne
sont pas son visage, car il est fondamentalement sans visage. Il est le vrai
pouvoir, qui n’a jamais de visage. Malheur à celui qui se trouve sur sa
route : il sera écrasé.
Tel est le Dieu caché des détresses du Quotidien, des
catastrophes industrielles, des crimes politiques. Ses grands prêtres se sont
retranchés, sans peut-être le savoir eux-mêmes, de l’humanité. Ces entre ces
deux mondes, du Réel et du Quotidien, que sans le vouloir, sans le savoir à
l’origine, s’est glissé ce micro-monde qui est à lui seul le Jeu éternel :
comme une tentative de réponse, dérisoire, mais invincible, à cette nouvelle et
terrifiante puissance que, face à l’éternel Quotidien, la Révolution
industrielle a donné au toujours plus
tyrannique Réel.
Cette lutte, ces combats cachés, ces victoires, ces défaites, en sont-elles pas une des figures de ce que Balzac nommait « l’Envers de l’Histoire contemporaine. »
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