Source : La tentation de l’invisible, constat d’état de craquelures en surface du monde visible, par James Tournois, éditions Bayard, relecture mai 2018-février 2025.
Au milieu
des incertitudes permanentes du monde visible se manifeste le rappel au
sentiment de finitude, certitude absolue qu’un jour plus ou moins proche nous
autres hommes, nous deviendrons invisibles, à quelques grains de poussière
près. Loin d’être une image, ces grains de poussière auxquels nous serons
réduits sont à ce point indistincts qu’ils ne peuvent être identifiés en tant
que tels. Un tas de poussière est certes fragmentable, mais ses éléments sont
autant de corpuscules indivisibles, car indivis. En ce sens peut sembler
indivisible ce qui appartient au domaine de l’invisible. Tout homme, dans les
replis de sa conscience de lui-même, cesse un jour d’être un « misérable
tas de petits secrets » animé et soumis au cri intérieur de ses scrupules
pour devenir un petit tas inerte de poussière.
L’intrication
initiale avec l’argile dont est modelé l’homme se meut pour finir en une
réduction répondant à cette mécanique de l’entropie dont la vigueur s’exténue
et qui veut que toute braise devienne charbon éteint, poussière dans un âtre…
Au pays de la poussière, le feu certes peut présenter le symbole de la géhenne,
mais aussi l’ardeur incommensurable d’une incandescence et d’une invisible
toute puissance selon l’image du « buisson ardent », symbole d’un feu
qui brûle sans se consumer. Poussières infécondes qui investissaient la
condition humaine dans sa finitude, vous reconnaissez-vous dans la cendre
fertile ainsi que dans le grain qui meurt pour que germe la vie ?
La cendre poussière est l’inexorable aboutissement de tout corps physique lorsque s’éteint notre vie née d’une étincelle ; la braise qui couve sous la cendre est un corps psychique ; le feu, le corps spirituel : feu intérieur dont la flamme, si elle n’est mise sous le boisseau, éclaire chacun d’une inextinguible lumière capable de la magnifier en corps de gloire.
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