« Mon cerveau est ainsi fait, il faut qu’il nie »

 

Quand je dis « cette femme », la mort réelle est annoncée et déjà présente dans mon langage ; mon langage veut dire que cette personne-ci, qui est là, maintenant, peut être séparée d’elle-même, soustraite à son existence et à sa présence, plongée soudain dans un  néant d’existence  et de présence ; mon langage signifie essentiellement la possibilité de cette destruction ; il est, à tout moment, une allusion résolue à un tel événement. Mon langage ne tue personne, mais, si cette femme n’était pas réellement capable de mourir, si elle n’était pas à chaque moment de sa vie menacée de la mort, liée et unie à elle par un lien d’essence, je ne pourrais pas accomplir cette négation idéale, cet assassinat différé qu’est mon langage.

Maurice Blanchot : De Kafka à Kafka

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