Il s’agit de « sortir le texte de ses propres
limites », de libérer un sens jusque-là demeuré potentiel, comme le fit
Joseph en Égypte, Messie de la langue, interprète des songes, dont le sourd
travail allait préparer à cette libération d’Égypte bien plus tard avec Moïse,
cette libération vers le dévoilement du Sinaï. Et là, s’interroge le
sage : à quoi bon connaître les arcanes de la langue sacrée si Joseph
demeura incapable de traverser les murs de son cachot ? Pourtant, c’est la
maîtrise de cette structure de cette langue que fera Joseph qui fera que Joseph
deviendra l’ombre de Pharaon, voire le Pharaon de l’ombre, soufflant au Pharaon
ses décisions, régissant l’Égypte depuis l’alcôve, lieu du véritable pouvoir.
Quelle est la maîtrise de Joseph ? Les arcanes du Lashon Haqodesh,
entendons la structure de la langue dite sainte, la langue de la langue, la
langue dans la langue. Quand le Pharaon interroge son prisonnier sur la méthode
employée pour interpréter ses rêves, ce dernier lui révèle, comme le décrit le
Talmud au traité Sota qu’il y a dans cette langue une dimension la distinguant
du langage populaire des marchands juifs, une dimension unique, dimension que
la langue des prêtres égyptiens ne possède pas. Cette dimension est en
particulier celle d'Anokhi : chaque mot est un déploiement en puissance
d’autres mots.
Pierre-Yves Salfati : Le premier mot « Au commencement »
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