Calvaire

 

Source : Léon Bloy par Maurice Bardèche, éditions de la Table Ronde, troisième relecture, un livre important.

Lors d’un court séjour de Georges Landry à Périgueux, les deux amis étaient allés voir un Ecce Homo en buste que possédait un abbé Pujol. Léon Bloy rappelle les émotions de cette visite. C’était une sculpture assez réaliste : chaque détail fait naître une sensation, l’énerve, le relance.

C’est, dit Léon Bloy, le Christ « après les flagellations, après le couronnement, après les soufflets, après les coups de pied et les crachats. » Ce n’est pas encore la Passion que Léon Bloy se représente en se servant des phrases mêmes d’Angèle de Foligno évoquant « l’inexprimable crucifixion sur le bois très dur et l’effroyable dislocation… »

Mais sur ce chemin où il accompagne le Christ vers le lieu du supplice, Léon Bloy, fouettant son imagination comme un derviche dans son délire cherche le détail atroce, le trouve : les épines du triacanthe dans le jardin paternel, plus dure que d’ébène, qu’il faut casser, que la Vierge est obligée d’arracher avec des tenailles sur la tête de son Fils mort, le sang qui ruisselle, coule sur les yeux, sur la bouche, sur la barbe, « tiraillée, infestée de crachats et chargée de caillots noirs. »

C’est admirable comme intensité visuelle, c’est un bouleversement de tout l’être, non seulement un torrent de larmes, mais un bouillonnement, un ébranlement mystique développé ici comme en laboratoire, nourri par les réminiscences, suscitant finalement de l’imaginaire aussi fort, aussi présent que le réel. « Je ne comprends rien à la peinture, conclut Léon Bloy : je n’ai en matière de peinture, de sculpture, que des sensations, mais tu peux me croire qu’elles sont profondes. »

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