Source : Nouvelles histoire des francs-maçons en France, des origines à nos jours par Alain Bauer et Roger Dachez, éditions Tallandier, collection Texto
Si la
Première Guerre mondiale fut un choc pour l’Europe tout entière et un tournant
de son histoire — le vingtième siècle ne commence-t-il pas en 1918 ? —
elle n’eut pas moins de conséquences sur la franc-maçonnerie elle-même et à
deux titres au moins.
En premier
lieu, l’idéalisme maçonnique, qui était en grande partie celui d’une certaine
gauche française à laquelle elle s’identifiait largement, se heurta de plein
fouet au mur de la guerre. Le pacifisme prôné par les éléments les plus
optimistes vint se briser sur le rempart du nationalisme renaissant, y compris
dans les loges : on verra les partisans de la revanche, les maçons qui,
autour de la loge Alsace Lorraine, maintenaient la flamme du souvenir depuis
près de cinquante ans, soutenir l’action de la France contre le bellicisme
prussien.
Il faut dire
que, dès 1871, un groupe de maçons n’avait pas pu mettre à exécution le projet
d’assassiner le Kaiser Guillaume et son fils Frédéric sous le couvert d’une
société de gymnastique ! Cette proposition assez stupéfiante émanait d’une
loge, Les Philadelphes, initialement issue d’une branche extrémiste de la
maçonnerie égyptienne, établie à Londres par des révolutionnaires exilés. Lors
d’une réunion qui avait été convoquée à Paris par le vénérable de la loge Les
Trinisophes de Bercy, le père Foussier, ils lui firent part de ce projet. Ce
dernier avait heureusement su retenir leurs bras vengeurs.
Dans les
années 1880, diverses tentatives de rapprochement avec une partie des loges
allemandes furent pourtant honnêtement mises en œuvre par des maçons français,
mais avec un succès modeste. Un certain bellicisme pouvait ainsi avoir prise
dans les milieux maçonniques. Pour ne citer qu’un exemple, apparemment bien
éloigné de ces préoccupations, on peut évoquer Jean Macé et la Ligue de
l’enseignement qu’il avait officiellement fondée en 1865.
Cette dernière était dédiée à la mise en place de bibliothèques populaires et plus généralement à la diffusion de l’instruction publique. Or, la devise initiale jusqu’en 1904, était « Pour la patrie, par le livre et l’épée. » Singulier rapprochement ! Mais tout s’éclaire si l’on sait que Jean Macé, initié à Mulhouse en 1866 dans la Loge La Parfaite harmonie, s’était ensuite replié sur Paris où il avait intégré la loge Alsace-Lorraine : pour des hommes de son milieu de sa génération, y compris parmi les francs-maçons, il était certain qu’il faudrait un jour user de l’épée pour faire triompher les immortels principes contenus dans les livres et reprendre les territoires perdus.
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