Arpenteur

 

Source : La tentation de l’invisible, constat d’état de craquelures en surface du monde visible, par James Tournois, éditions Bayard, relecture mai 2018-février 2025.

Selon la distance de son rayon, tout arpenteur ne peut, conformément à la règle de proportionnalité, que se contenter d’imaginer qu’une asymptote suivant le mouvement elliptique du cercle qui se boucle parvienne un jour à épouser la courbure dessinée par l’orbe terrestre, telle cette ligne d’horizon au-delà de laquelle l’homme imagine le royaume des dieux.

Mais la courbure de l’espace est-elle en mesure d’affecter le temps qualifié d’imaginaire par les mathématiciens, la relativité générale instituant dans ce cas la durée comme autre dimension dans l’ordre du monde et rendant plausible une courbure de l’espace-temps ? Merleau-Ponty contrecarre cette hypothèse en résumant ainsi les « Considérations cosmologiques au regard de la théorie de la relativité » présentée par Einstein, le 8 février 1917 : « L’espace est courbé et fermé, comme le cercle de base du cylindre, mais le temps est droit et ouvert comme l’axe d’un cylindre. »

La circonférence du plan n’est nulle part car si on l’imagine dans le fini, on suppose le plan limité, ce qui est contraire à son idée ; et si on la conçoit rejetée à l’infini, ce n’est plus une circonférence, mais une droite ou un point. Point alpha d’un large écart de compas, centre d’un cercle invisible jusqu’au mirage de ce point oméga mis en exergue par Teilhard de Chardin, point d’attraction d’une métaphysique de l’infini, c’est en partant du « point d’évanouissement du visible » que l’UN peut, selon un réseau resserré, être relié au TOUT et trouver un prolongement légitime, une continuité, une mise en ligne dessinant une figure géométrique qui réponde aux lois générales de la perspective, partant de l’imagination via le symbolique pour aboutir, selon un exercice empli de sens à ce que Nicolas de Cues nomme une « théologie circulaire. »

Nous sommes alors plus près de l’approche d’un univers qui exige une « unité des divers » avec un centre de gravité définissable sans être localisable dans l’espace des formes perceptibles, centre doté d’une circonférence dépourvue de lisibilité malgré son adhérence à un tracé établi à partir d’un modèle, il est vrai, imaginaire. Bien réel centre de gravité cependant, dont les ondes viennent d’être mises en lumière et dont l’existence a été pressentie par Einstein.

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