À la limite des éléments progressistes de la mystique
apparaît le cas radical du mystique qui n’altère pas seulement l’autorité
religieuse en la réinterprétant, mais qui prétend aussi en fonder une nouvelle,
qui repose sur sa propre expérience. Et, dans le cas extrême, il aura même la
prétention d’être au-dessus de toute autorité, d’être sa propre loi. Le
caractère amorphe, sans forme, de l’expérience fondamentale peut mener à la
dissolution de toute forme d’interprétation même. C’est cette perspective
d’anéantissement, mais apparentée à l’impulsion fondamentale du mystique, qui
nous rend compréhensible le cas limite du mystique nihiliste, comme héritier du
choc numineux, parfaitement légitime quand bien même il serait désapprouvé avec
horreur par chacun. Tous les autres mystiques recherchent à nouveau leur chemin
de retour vers la forme, un chemin qui reconduit à la communauté. Alors que
celui-là, qui fait l’expérience de la diminution de toute valeur suprême,
essaie de la conserver, mais dans un esprit non dialectique, au lieu de
prendre, comme les autres mystiques, une impulsion pour l’élévation d’une
nouvelle forme. C’est ici qu’apparaît la destruction de toute autorité
religieuse au nom de l’autorité même, comme la représentation la plus parfaite
de l’aspect révolutionnaire de la mystique.
Gershom Scholem : La Kabbale et sa symbolique
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