Quand Valéry s’inquiète du lecteur inculte
d’aujourd’hui qui demande à la facilité d’être complice de sa lecture, cette
inquiétude est peut-être justifiée, mais la culture d’un lecteur attentif, les
scrupules d’une lecture pénétrée de dévotion, quasi religieuse et devenue une
sorte de culte, n’y changeraient rien, apporteraient des périls plus graves, car
d’un lecteur léger, qui accomplit autour d’un texte une danse rapide, cette
légèreté n’est sans doute pas une vraie légèreté, mais elle est sans
conséquence et elle n’est pas sans promesse : elle annonce le bonheur et
l’innocence de la lecture, qui est peut-être en effet une danse avec un
partenaire invisible dans un espace séparé, une danse joyeuse, éperdue, avec le
« tombeau. » Légèreté à qui il ne faut pas souhaiter le mouvement
d’un souci plus grave, car là où la légèreté nous est donnée, la gravité ne
manque pas.
Maurice Blanchot : L’Espace littéraire
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