Toute mystique a deux aspects fondamentaux qui se
contredisent ou se complètent : un aspect conservateur et un aspect
révolutionnaire. Il ne sera pas superflu que je m’explique… Comment est-il
possible qu’un mystique soit un conservateur, un champion, et un interprète de
l’autorité religieuse traditionnelle ? Comment réussit-il à mener à bien
ce que les grands mystiques du catholicisme, les soufis du type de Ghazzali et
la plupart des kabbalistes juifs ont pu réaliser ? La réponse est que ces
mystiques semblent redécouvrir en eux-mêmes les sources de l’autorité
traditionnelle. Leur chemin les a reconduits au jaillissement de la même
source ; et comme l’autorité leur montre le même visage qu’elle a déjà
pour des générations avant eux, rien ne les pousse à la changer ; ils
essayent au contraire de la maintenir strictement telle qu’elle est… Il est
vrai qu’il reste toujours quelque chose que le mystique ne peut communiquer,
d’une façon suffisante. Cependant, lorsqu’il s’y efforce, et c’est justement
par cet effort qu’il nous le fait connaître, il interprète sa propre expérience
dans une langue, avec des images et des idées qui ont été créées avant lui et
pour lui… Justement parce que le mystique est ce qu’il est, parce qu’il se
trouve dans un rapport fécond et immédiat avec l’objet de son expérience, il
transforme et altère le sens de cette tradition d’où il tire la vie. Il
représente non seulement un facteur de conservation de la tradition, mais en
même temps, un facteur de transformation qui la développe et la pousse en
avant.
Gershom Scholem : La Kabbale et sa symbolique
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