Le cadavre que nous avons habillé, rapproché, le plus
possible de l’apparence normal en effaçant les disgrâces de la maladie, dans
l’immobilité si tranquille et si assurée qui est la sienne, nous savons
cependant qu’il ne repose pas. L’emplacement qu’il occupe est entraîné par lui,
s’abîme avec lui, et dans cette dissolution, attaque, même pour nous autres qui
demeurons, la possibilité d’un séjour. On le sait, à un « certain
moment », la puissance de la mort fait qu’elle ne s’en tient plus au bel
endroit qu’on lui a assigné. Le cadavre a beau être étendu tranquillement sur
son lit de parade, il est aussi partout dans la chambre, dans la maison. À tout
instant, il peut être ailleurs qu’où il est, là où nous sommes sas lui, là où
il n’y a rien, présence envahissante, obscure et vaine, plénitude. La
croyance qu’à un certain moment le défunt se met à errer, doit être rapportée
au pressentiment de cette erreur, qu’il représente maintenant.
Maurice Blanchot : L’Espace littéraire
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