L’acte par lequel Igitur sort de la chambre,
descend l’escalier, boit le poison et va au tombeau, voilà apparemment la
décision initiale, le « geste » qui seul donne réalité à l’absence et
authentifie le néant. Mais cela n’est pas. L’accomplissement n’est qu’un moment
insignifiant. Ce qui est fait doit d’abord être rêvé, pensé, saisi à l’avance
par l’esprit non pas dans une contemplation psychologique, mais par un
mouvement véritable : dans un travail lucide pour s’avancer hors de soi,
se percevoir disparaissant, et s’apparaître dans le mirage de cette
disparition, pour se rassembler dans cette mort propre qui est la vie de la
conscience et, dans le faisceau resserré de tous ces actes de mort par lesquels
nous sommes, former l’acte unique de la mort à venir que la pensée atteint, en
même temps qu’elle s’atteint et s’éteint.
Maurice Blanchot : L’Espace littéraire
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