Jamais plus Les Euménides ne parleront aux
Grecs, et nous ne saurons jamais ce qui s’est dit en ce langage. Il est vrai.
Mais il est vrai aussi que Les Euménides n’ont jamais encore parlé et que
chaque fois qu’elles parlent, c’est la naissance unique de leur langage
qu’elles annoncent, parlant jadis comme des divinités furieuses te apaisées,
avant de se retirer dans le temple de la nuit (et cela nous est inconnu te nous
restera étranger), parlant plus tard comme symboles des puissances obscures,
dont le combat est nécessaire à l’avènement de la justice et de la culture (et
cela ne nous est que trop connu), parlant, enfin, peut-être un jour, comme
l’œuvre en qui la parole est toujours originelle, parole de l’origine. Et cela
nous est inconnu, mais non étranger. Et par-delà tout cela, la lecture, la
vision rassemblent chaque fois, à travers le poids d’un contenu et les voies
diverses d’un monde déployé, l’intimité unique de l’œuvre, la surprise de sa
constante genèse, et l’essor de son déploiement.
Maurice Blanchot : L’Espace littéraire
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