« Are you morbid ? »

 

La mort est l’extrême du pouvoir, comme ma possibilité la plus propre, mais aussi comme ce qui n’arrive jamais à moi, à quoi je ne peux jamais dire Oui, avec quoi il n’y a pas de rapport authentique possible ; le rapport que j’élude précisément quand je crois le maîtriser par une acceptation résolue, puisqu’alors je me détourne de ce qui fait de la mort l’essentiellement inauthentique est l’essentiellement inessentiel : sous cette perspective, la mort n’accepte pas « d’être pour la mort », elle n’a pas la fermeté qui permettrait un tel rapport, elle est bien ce qui n’arrive à personne, l’incertitude et l’indécision de qui n’arrive jamais, à quoi je ne peux penser avec sérieux, car elle n’est pas sérieuse, elle est sa propre imposture, l’effritement, la consumation vide, non pas le terme, mais l’interminable, non pas la mort propre, mais la mort quelconque, non pas la mort vraie, mais comme dit Kafka : « le ricanement de son erreur capitale. »

Maurice Blanchot : L’Espace littéraire

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