Source : La Vie seconde ou les songes sans la clef par Franz Hellens, éditions du Sablon, relecture avril 2016-décembre 2024, recommandé par Neûre aguèce.
« La femme est l’être qui projette la plus grande
ombre et la plus grande lumière dans nos rêves » a dit Baudelaire. La
femme dira que c’est l’homme, mais cette ombre et cette lumière ne sont pas les
mêmes suivant que c’est l’homme ou la femme qui rêve.
Pour l’homme, la femme est la représentation du divin.
Il l’aperçoit tantôt sous des dehors angéliques ; elle n’a pas de sexe ou
plutôt son sexe dort. Il pourra se réveiller brusquement quand l’ange repliera
ses ailes. Tantôt sous un aspect démoniaque, tantôt pour son salut dans l’autre
monde ou sur lat terre, tantôt pour sa damnation, c’est-à-dire l’assouvissement
d’une passion violente qui va jusqu’à donner la mort à ce que l’on chérit le
plus. Il n’y a pas de milieu. Dans les deux cas, ombre et lumière sont
sublimes.
Pour la femme qui rêve, l’homme n’est pas cet être
divinisé. Son éclairage ou son obscurité lui viennent d’ici-bas, s’ils tiennent
du merveilleux par l’intensité et la signification. Son sexe est toujours bien
marqué, prépondérant. La lumière qu’il projette émane de sa vigueur physique ou
morale, mais l’obscurité se fait aussitôt car le désir de la femme la
recherche ; elle entend vivre toute sa vie dans cette ombre qui les isole,
elle et lui, cette ombre où elle finira par être la plus forte après s’être
soumise. Alors, seulement, elle pourra rêver du ciel ou de l’enfer.
L’ombre, au contraire, l’ombre primitive, représente la
faiblesse masculine et l’assurance, pour la femme, d’un règne immédiat, un règne
de commencement du monde. Ève est toujours au paradis, même quand elle rêve de
l’enfer. Elle ne verra jamais l’homme autrement, dans cette lumière de force ou
cette ombre de faiblesse, où l’amoureuse et la mère prendront le dessus, toutes
deux passionnées, exigeant tout, les joies du sexe comme les autres, avant les
autres. Jusqu’à la violence, pour elle aussi, mais différente de celle du mâle,
moins directe et moins brutale.
C’est par la violence que la femme rejoint l’esprit, et par cette route, le divin. Tout est compris dans cette violence partie de l’instinct pour aboutir aux plus hauts sommets des formes et du caractère, sourire, larmes, sacrifice et cruauté ; toute la boîte de Pandore et ses inépuisables surprises. Cette violence qui lui fit perdre le Paradis mais gagner la terre, cet autre Paradis, rêvé.
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