« Tu n’es qu’un paria mais tu sais pourquoi »

 

Je me demandais souvent, comme dans un rêve à demi-éveillé : que veut-on de moi ? Pourquoi me destinait-on en ce mystérieux cheminement que j’eusse pu croire sans fin ? Qu’allais-je devoir faire, un jour, de si terrible qu’il m’en fallait à tout prix ne pas avoir à en connaître d’avance l’autre face, la face qui pour l’instant m’était celle d’une inconnaissance profonde, totale, immuable ? Et aussi encore : ma très occulte mission finale serait-elle en partie, ou dans son ensemble, déjà compromise, voire suspendue, ai-je moi-même commis, en avançant comme on avait voulu que je le fasse, en ces espaces de morne tragédie, sans jour ni visage aucun, une erreur irrachetable, « l’erreur fatale » ? Sans que je ne sache quand, ni comment, ai-je donc déjà commis la faute déstabilisante qui me pousse hors des obligations prévues pour l’accomplissement de ce que l’on veut, que l’on aura voulu de moi, en me choisissant pour que je le fasse le jour venu ? Dois-je ainsi répondre d’un manquement à jamais irréparable, d’un crime que je ne connais pas ni qu’en aucun cas je n’eusse pu connaître, mais dont je n’aurais pas moins à subir la sanction épouvantable ?

Akseli Gallen-Kallela : Le Frère meurtrier (1897)
Jean Parvulesco : Rapport secret à la nonciature

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