« Le temps est une chose forcée qui ne demande
qu’à finir », écrit Joseph de Maistre. C’est là une limitation, une
infirmité, un déficit et nous espérons fermement, comme l’Ange de l’Apocalypse,
qu’un jour viendra où ce temps ne sera plus (Apocalypse X, 6) Mais la
condamnation de ce temps insipide ne préjuge en rien du temps véritable, ou,
pour mieux dire, de la durée qui est l’expérience de la continuation. Au
contraire, il y a bien des chances que « l’éternité » ainsi définie
en opposition avec le temps des « logismoï » et la durée
purifiée par Bergson de toute fiction arithmétique se découvrent parentes.
Nous sommes ici au comble de la densité spirituelle : l’esprit, au lieu de
retarder sans cesse sur un but lointain, au lieu de rôder comme un absent parmi
des idées provisoires et subalternes, se trouvent continuellement au cœur de
son propre effort, en plein centre des problèmes. Pour passer de cette éternité
vivante au temps de la grammaire, il ne faut pas ajouter, mais au contraire,
retrancher, s’absenter de soi, s’éparpiller parmi les concepts. Tel est
peut-être le sens de cet « éternel Maintenant » dont parle la
métaphysique : à tout moment, nous nous sentons présent à nous-mêmes,
environnés de certitudes et de choses essentielles. Le bergsonisme est le temps
retrouvé.
Ernst Fuchs : Engel der Geschichte
Vladimir Jankélévitch : Henri Bergson
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