Source : Histoire des enfers par Georges Minois, éditions Fayard
Vers 1250, un ouvrage anonyme attribué à un franciscain
déclare que les cathares italiens, dit « albaniens », nient
l’existence de l’enfer parce que, le monde ayant été créé par Lucifer, ce
dernier n’aurait pas prévu un lieu de tortures pour lui-même et ses suppôts.
Dans le village cathare de Montaillou, on ne semble guère croire à l’enfer.
Arnaud Gélis, qui, au début du quatorzième siècle, y remplit la fonction
« d’armier », c’est-à-dire d’intermédiaire entre les âmes de morts et
les vivants, déclare que l’enfer est le séjour des démons, mais que les âmes,
après avoir erré quelque temps sur terre, vont simplement dans « un lieu
de repos. » Après le Jugement dernier, elles obtiendront le Salut,
personne ne sera damné. « L’enfer, c’est seulement pour les diables, et
pour Judas Iscariote, déclare Jean Maury. Et après le Jugement, ce sera pour
les Juifs ; pour tous les Juifs, mais pas pour les âmes des autres
hommes. » D’autres dispositions vont dans le même sens, admettant tout
juste une pénitence temporaire après le décès.
« Est-ce que le sens du péché dans le peuple, dont
fait partie Gélis, n’est pas suffisamment développé ?, se demande Emmanuel
Leroy-Ladurie. L’enfer, dans cette conjoncture de laxisme moral, apparaît-il
comme une punition trop rigoureuse et trop définitive ? » En tout
cas, les conceptions cathares sur l’au-delà sont singulièrement confuses. Le
plus vraisemblable est que le salut sera universel, le monde matériel
finissant, lui, dans un embrasement général, par fusion des quatre éléments.
Avec lui disparaîtra le mal. Dans cette optique, beaucoup de Cathares pensent,
en bons manichéens, que l’enfer est tout simplement le fait pour l’âme d’être
emprisonnée dans un corps. L’enfer, c’est de vivre en cette vie terrestre.
Cette vieille croyance est indéracinable ; toujours latente, elle refait
surface périodiquement ici et là.
N’est-ce pas elle qui apparaît chez saint Bernard dans le Livre de la manière de bien vivre ? D’après lui, certains affirment que l’enfer a lieu en cette vie, il est donc une situation et non un endroit.
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