L’enfer, c’est les autres, mais dans un sens différent
de celui que Sartre à donné. L’enfer, c’est les autres pour lesquels je dois me
sacrifier en cette vie et aussi les autres dont j’assiste à l’anéantissement
dans l’autre vie. L’antithèse de cette interprétation de l’enfer comme exutoire
du désir d’affirmation de soi apparaît chez les gnostiques et dans tous les courants
religieux qui pensent que l’enfer est sur terre et pour tous. Si ces mouvements
n’éprouvent pas en général le besoin de placer des châtiments dans l’au-delà,
c’est que leurs fidèles ne ressentent pas cette frustration à l’égard de ceux
qui échappent aux normes morales. Tous les hommes connaissent leur enfer en
cette vie : tous sont soumis aux limitations naturelles et aux angoisses
existentielles qui constituent l’essence de l’enfer. Ici, l’enfer, c’est chacun
d’entre nous, c’est ma vie, c’est moi-même. Cet enfer présent cessera lors de
la victoire générale et définitive du bien, quelle que soit la forme sous
laquelle on envisage cet événement. Nul besoin donc d’élaborer des supplices
futurs pour les méchants puisque la frustration fondamentale, base essentielle
d’un avenir futur, n’existe pas.
Georges Minois : Histoire des enfers
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