Dandy de grand chemin

 

Source : Jacques Rigaut, le suicidé magnifique, par Jean-Luc Bitton, préface d’Annie le Brun, éditions Gallimard, collection Biographies.

Dans son roman En joue ! Philippe Soupault, qui s’est inspiré entre autres de Rigaut pour Julien, son personnage principal, fait allusion à cette froide indifférence devant la nature : « Un merle sifflait dans un fourré, Berthe s’écriait : Voilà le rossignol qui chante, écoute… Et Julien répondait : C’est un oiseau qui se gargarise. Rigaut semblera toujours en désaffection devant la vie comme s’il vivait dans un monde décoloré, sans saveurs ni odeurs. Un monde où tout se vaut, où tout est égal. Inapte à éprouver les joies simples, incapable de goûter les choses, Rigaut paraît atteint d’agnosie permanente : « Blanc ou noir, si je pouvais choisir, si je pouvais avoir un goût. »

Déjà débiteur de son jeune ami Chomette, déjà désargenté parmi les fortunés, inapte au travail salarié mais adorant l’argent pour les jouissances qu’il procure, Jacques Rigaut, durant toute son existence, ne cessera de jongler habilement, « une gymnastique financière ahurissante où il parvenait à se tenir en équilibre », témoigne Pierre de Massot, « entre les « emprunts » et les remboursements. »  Selon Colette Jéramec, Rigaut était « un tapeur professionnel. » L’argent comme le moyen d’avoir accès au luxe et à ses débauches, l’argent érotisé comme une fascination pour les désirs miroirs qu’il suscite.

« L’argent des autres m’aide à vivre, mais pas seulement comme on suppose. Chaque Rolls-Royce que je rencontre prolonge ma vie d’un quart d’heure. Plutôt que de saluer les corbillards, les gens feraient mieux de saluer les Rolls-Royce. »

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