Ill. : Suite d'un bal masqué (1857) par Jean-Léon Gérôme. par Texte : Villiers de l’Isle-Adam, exorciste du
réel, portier de l’idéal, par Alan Raitt, Librairie José Corti, 1987,
collection Rien de commun.
Pendant toute sa vie, Villiers avait été soutenu par
une idée fixe : il avait un destin en tant qu’écrivain et un jour, ce
destin serait accompli. S’il avait fallu tant attendre, c’était la faute des
circonstances, de la sottise des directeurs de théâtre, de la malveillance des
critiques, du manque d’argent, du guignon. Mais l’heure de vérité avait sonné.
Pour la première fois, [avec la pièce Le Nouveau monde, 1880] Villiers
allait se révéler tel qu’il était, tel qu’il voulait être. Si, cependant, le
monde continuait à se moquer de lui, à le rejeter ?
D’une façon générale, l’accueil de la critique fut
mollement bienveillant, mais nuancé. Presque tous les critiques rendirent
hommage à la beauté littéraire du texte : « de suprêmes jets de
style », « de merveilleuses bouffées de lyrisme », « style
merveilleusement lumineux », mais émirent des réserves quant à ses
qualités dramatiques : « assez incohérent », « confus et
peu intelligible », « nuageux et inégal, mais puissant. »
Quelques comptes rendus furent nettement enthousiastes, surtout ceux des amis
personnels de l’auteur, comme Louis de Gramont dans L’Intransigeant. Les
comptes rendus défavorables ne furent pas nombreux, et les remarques
désobligeantes furent presque toujours tempérées par quelques éloges. Mais l’unanimité
se fit sur un certain nombre de points.
La musique d’Alexandre Georges ne plut à
personne : François Oswald la déclara « insupportable », et
Arnold mortier fait une allusion sarcastique à « d’interminables et
obscures symphonies exécutées par quarante musiciens. » Mais l’aspect le
plus vivement critique fut l’interprétation. « La pièce est mal défendue
par ses interprètes. » « M. de Villiers de l’Isle-Adam a
principalement souffert d’une interprétation défectueuse. » « J’aime
mieux ne pas parler de Mlle Rousseil, non plus que de Mlle Jeanne Pazza. »
On leur reprochait surtout l’emphase déclamatoire. Selon Sarcey, « ils officient, ils pontifient ; ce n’est plus une pièce, on dirait la messe. » Et Charles Martel écrit : « ils mettent en moyenne une minute entre chaque mot. » Quelques accidents suscitèrent l’hilarité, notamment lorsque Stephen Ashwell, voulant inspecter les lignes ennemies en pleine nuit, se servit d’une lunette d’approche… et encore, par le mauvais bout.
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