Clamacor est mort

 

« Comptez 17 tombes à partir de l’angle avenue Saint-Charles et chemin Billaud. » Je me retrouve à compter de 1 à 17. Raté ! Il m’a fallu m’y prendre à deux fois. Revenir sur mes pas et recompter, lentement. Enfin, la voilà, marbre noir maculé par les fientes des corbeaux qui croassent au-dessus de ma tête. Petit pot de terre où tente de survivre une plante assoiffée. Cela fait bien longtemps qu’une main amicale ne s’est pas posée sur vous, monsieur Rigaut. Vous qui avez crispé le cœur de tant de femmes, aucune ne vient prendre soin de vous. Les ingrates ! Mais vous me répondez comme vous l’aviez noté sur un bout de papier : « C’est comme ça et je vous emmerde ! » Vous êtes l’homme qui toute son existence a cherché à ne pas mourir. Pas de raisons de vivre, aucune de mourir non plus, avez-vous écrit. Mais ce matin du 6 novembre, après une ultime nuit blanche à Paris, vous êtes rentré à Châtenay-Malabry, avez rangé votre collection de boîtes d’allumettes, pris le soin de protéger les draps et vous êtes donné la peine de mourir : « Le jour se lève, ça vous apprendra. »

Jean-Luc Bitton : Jacques Rigaut, le suicidé magnifique

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