Source : Histoire des enfers par Georges Minois, éditions Fayard
L’Apocalypse de Pierre fut rédigée entre 125 et 150,
sans doute dans la communauté chrétienne d’Alexandrie, par un juif converti. Ce
texte est très respecté dans l’Eglise primitive, au point que Clément d’Alexandrie
le considère comme canonique tout comme le canon de Muratori, qui signale
toutefois une certaine contestation à ce sujet. Il est exclu du canon par la
concile de Carthage en 397, mais est utilisé pour la liturgie du Vendredi saint
dans les églises de Palestine, jusqu’au Ve siècle. Longtemps perdu, l’ensemble
n’a été retrouvé qu’en 1910 dans une traduction éthiopienne. On y trouve la
première description précise des peines de l’enfer, nettement influencée par le
mazdéisme, le pythagorisme orphique et le judaïsme. Autre originalité féconde,
il esquisse un classement des peines d’après les types de péchés.
« Il y avait un lac rempli de ange ardente, où se
trouvaient certains hommes qui s’étaient détournés de la justice ; et des
anges chargés de les tourmenter se tenaient au-dessus d’eux. D’autres encore,
des femmes, étaient suspendues par leur chevelure au-dessus de cette fange
incandescente, c’étaient celles qui s’étaient parées pour l’adultère. Les
hommes qui s’étaient unis à elles dans la souillure de l’adultère étaient
suspendus par les pieds, la tête retombant dans la fange et ils disaient :
nous n’aurions jamais dû venir en ce lieu. Je voyais les meurtriers et leurs
complices, jetés dans un lieu étroit, plein de reptiles malfaisants. Ils étaient
châtiés par ces bêtes, et ainsi se tordaient dans ce tourment. Sur eux, il y
avait des vers, semblables à des nuages obscurs et les âmes de leurs victimes
étaient là disant : Ô Dieu, juste est ton jugement. Tout près de là, je
vis un autre lieu resserré, où s’écoulaient le pus et la puanteur de ceux qui
étaient châtiés et formaient une sorte de lac. Là gisaient des femmes plongées
jusqu’au cou dans cette sanie ; en face d’elles gisaient un grand nombre
d’enfants nés avant terme, qui criaient. De ceux-ci partaient des jets de
flammes qui frappaient les femmes dans les yeux ; c’étaient celles qui
avaient conçu hors mariage et tué leurs enfants.
L’Apocalypse de Pierre est le premier d’une longue, très longue série de descriptions des tortures infernales. Elle donne le ton : ce sera désormais à celui qui surpassera les autres dans l’atrocité des détails. Les usuriers seront noyés dans un lac de pus et de sang en ébullition, les faux témoins ont un feu dans la bouche et se mordent la langue. Chacun reçoit un châtiment approprié et on constate déjà la présence en enfer des enfants non baptisés. On peut aussi mesurer l’énorme fossé qui sépare les textes évangéliques d’une extrême discrétion sur le sujet, de ces premières visions populaires où se déploie un évident sadisme.
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