Cendrillon

 

Source : La Symbolique du feu par Jean-Pierre Bayard, éditions Véga, collection Poche, recommandé par Neûre aguèce.

Quelques légendes notent la cendre comme moyen de résurrection : le corps consumé est transformé en cendres, au bout de trois jours, un ver s’y développe et ainsi réapparaît la vie ; le processus peut s’étendre sur un temps plus long, mais, en réalité, nous en retrouvons un écho dans le feu traditionnel de la Saint-Jean.

Or, dans l’Apocalypse, la cendre est signe de pénitence et de deuil. Les Hébreux se répandent des cendres sur la tête en signe de décès. Thanar, après l’outrage que lui fit son frère Ammon, se couvre la tête de cendres ; David dit qu’il mangera de la cendres ; Job déclare que l’homme est cendres et poussière et qu’il retournera en poussière. Parmi ces témoignages d’humilité, Cendrillon, la malheureuse amie des cendres, conserve une place dans l’âtre, tout comme Ulysse, humilié par Areté et Alkinoos prit place dans les cendres.

Les cendres conservent des formes sidérales qui ont fait longuement méditer Jacques Gaffarel : « Ayant tiré le sel de certaines orties brûlées et mis la lessive au serein en hiver, le matin, il la trouva gelée mais avec cette merveille que les espèces des orties, leur forme et leur figure étaient si naïvement et si parfaitement représentée sur la glace que les vivantes ne l’étaient pas mieux. Secret dont on comprend que, quoi que le corps meure / les formes font pourtant aux cendres leur demeure. »

C’est en fait toute la spectrologie, mais il n’était pas inutile de rapporter cette expérience troublante malgré les explications scientifiques. Nous aboutissons à la loi invariable et immuable où la volonté domine ce rêve d’évolution. Le désir de se survivre transparaît et cette agonie ignée est déjà le siège de la Vie. La centre contient donc ce qu’il y a de plus précieux, de plus mystérieux dans la vie. Elle est le réceptacle du Principe. 

Cendrillon reflète le rayon dans la cendre, et c’est pourquoi elle porte ces invraisemblables pantoufles de « verre », ce verre précieux des alchimistes où naît l’Œuf. La cendre contient le « diadème du Roy », mais la cendre laisse entendre que le corps consumé est impur ; il doit donc renaître, revenir à l’existence, parcourir de nouveaux cycles. Nous songeons ainsi aux conceptions hindoues et celtiques. Lorsque l’homme sera devenu parfait, lorsqu’il pourra mériter entièrement  le ciel, il brûlera comme le diamant, en se résorbant entièrement et tout paraîtra détruit à l’échelle terrestre.

Ce qui est à l’état parfait brûle sans laisser de trace. Le feu qui engendre est prolifique. Il est fécond en lui-même et sa valeur spirituelle se décèle dans sa lumière. Parce qu’il permet à l’être de se régénérer, de rajeunir et de devenir immortel, le feu reste le grand fécondateur.

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