Jérémie n’a rien vu qu’une branche d’amandier, mais,
pour l’avoir vue, il a pénétré la signification. À travers le reflet, il
atteint la lumière. La vision prophétique dévoile l’essence des choses. Vingt
fois, Jérémie a vu fleurir l’amandier dans son canton natal ; vingt fois,
c’est l’annonce du printemps. Aujourd’hui, le temps se livre, tourbillonnant
dans la floraison qui devient soudain une hâte, une précipitation du bois à la
feuille, de la feuille à la fleur, de la fleur au fruit, la hâte de Dieu qui
fait mûrir sa parole. L’amandier, le mot qui le nomme, l’élément dont il est
fait, la place qu’il occupe, le moment où il apparaît, la croissance qui
l’anime, tout ce qui désigne l’objet à la compréhension humaine : langage,
matière, espace, temps, vie, tout cela signifie, tout est signe. La vision
normale est désignation. La vision prophétique est « signation. » De
la nomenclature selon l’optique humaine, du catalogue des choses, surgissent
inopinément des valeurs. Vingt fois, Jérémie a vu, dans les champs d’Anathoth, le
paysan attiser la chaudière pour y brûler sa paille. Aujourd’hui, la chaudière
étonne, parce que sa gueule brûlante regarde vers le nord. L’orientation de la
chaudière cesse d’être banale. L’espace perd un sens, il frémit déjà du malheur
que les Chaldéens feront surgir du Nord. « Que vois-tu ? Je vois une
chaudière bouillonnante, dont la face antérieure est tournée vers le nord et
l’Éternel me dit c’est du Nord que le malheur viendra sur tous les habitants de
ce pays. »
André Néher : Prophètes et prophéties
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