Source : Voyage au pays de la Quatrième dimension (édition du centenaire) par Gaston de Pawlowski, Flatland éditeur, collection Le Grenier cosmopolite
Tout, en matière de temps, est sujet à illusion. La
durée de la vie humaine, suffisante à notre point de vue, est insignifiante si
on la compare à celle des astres, prodigieuse si on la rapproche de celle des
êtres inférieurs qui naissent, se reproduisent et meurent en quelques secondes.
Il faut bien reconnaître également que dans la vie d’un
homme de génie, l’action vraiment créatrice semble se résumer dans le court
espace de quelques secondes. Le reste n’est que mise au point, variations
interminables, adaptation aux préjugés vulgaires construits à trois dimensions.
En général, c’est dans les premières années de leur vie
que les hommes de talent conçoivent réellement les idées qui, plus tard, feront
leur fortune intellectuelle et le plus grand homme de demain n’est que
l’heureux héritier du riche enfant d’hier. La durée de nos actes, si longs et
si compliqués qu’ils soient, est multipliée à l’infini par les difficultés
matérielles d’action ou d’expression du monde à trois dimensions. Il arrive
souvent qu’un simple regard échangé entre deux passants qui ne se connaissent
pas remplace des années de vie commune ou d’intimité complète et les esprits se
comprennent en un instant mieux qu’ils ne le feraient par l’intermédiaire de
leurs corps durant de très longues années.
Ces lueurs intellectuelles de compréhension totale à quatre dimensions, nous leur attribuons nécessairement une durée dans le temps, et, si fugitives qu’elles soient, nous leur supposons tout au moins une durée de quelques secondes. Or, cette durée n’existe même pas, car il ne saurait y avoir de durée dans le monde à quatre dimensions et par conséquent, aucune succession nécessaire dans des actes qui sont, en somme, simultanés comme toutes les parties distinctes d’une statue de marbre.
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