Il va de soi que quand je meurs prématurément, je n’ai
pas actualisé la partie intensive que j’étais. Je n’ai pas du tout exprimé, pas
du tout « fait être » l’intensité que je suis. Alors, ça va quand on
meurt à un certain âge, mais tous ceux qui meurent avant… On imagine qu’un
correspondant aurait pu demander ça à Spinoza. Qu’est-ce qu’il aurait
répondu ? Je crois que, là, il n’aurait pas du tout fait le malin. Il
aurait dit que, oui, ça faisait partie de l’irréductible extériorité de la
nature. C’est comme toute la cohorte de gens qui ont été, qui seront, qui sont
empoisonnés, etc. En termes spinozistes, il faudrait presque dire : celui
qui meurt prématurément, c’est un cas où la mort s’impose dans des conditions
telles que, à ce moment-là, elle concerne la majeure partie de l’individu
considéré. Mais ce que l’on appelle une vie heureuse, c’est faire tout ce qu’on
peut, ça Spinoza le dit formellement, pour précisément conjurer les morts
prématurées. Cela ne veut pas du tout dire empêcher la mort, mais faire que,
lorsqu’elle survient, la mort ne concerne finalement que la plus petite partie
de moi-même.
Charles Bronson : Loi de Murphy pour les nuls
Gilles Deleuze : Sur Spinoza
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