Source : Scientifiction, la physique de l’impossible par Roland Lehoucq, éditions du Bélial, collection Parallaxe
La première réalisation pratique d’un « rayon de
la mort » pourrait être attribuée à Archimède (287-212), déjà fort connu
comme géomètre et qui, en tant qu’ingénieur militaire, assura la défense de
Syracuse. En 213, avant notre ère, lors de la seconde guerre punique, le
général romain Marcellus assiège la ville. Plusieurs textes rapportent
qu’Archimède réussit à vaincre la flotte romaine par un procédé
ingénieux : il concentra les rayons solaires sur les bateaux ennemis grâce
à des miroirs (les boucliers des défenseurs, rapporte-t-on) pour y déclencher
des incendies.
Pour réaliser l’exploit que l’on prête à Archimède,
l’emploi de miroirs paraboliques est la méthode la plus efficace. Leur forme
adaptée permet de faire converger les rayons solaires qui le frappent en un
point unique, le foyer du miroir. La surface du miroir permet de capter une
grande quantité d’énergie solaire, qui est ensuite concentrée et dirigée vers
la cible. Si l’énergie assez collectée est suffisante et si la cible reste
immobile assez longtemps près du foyer, il est possible de l’enflammer ou de la
faire fondre.
Le miroir parabolique d’une seule pièce n’est pas
indispensable. Plusieurs miroirs plans orientés de telle sorte qu’ils
réfléchissent la lumière solaire vers le même point peuvent aussi aboutir au
même résultat. Un tel dispositif fut effectivement construit par le comte de
Buffon (1707-1788) Durant le Printemps et l’été 1747, il expérimenta un
ensemble composé de 168 miroirs couverts d’étain, d’environ 20 centimètres de
côté. Les positions des miroirs étaient réglables de sorte que tous puissent
réfléchir la lumière du soleil vers le même point.
Des expériences sont menées à Paris, dans le jardin du
roi (l’actuel Jardin des plantes) et Buffon parvint à enflammer une branche de
hêtre goudronnée avec seulement 40 miroirs avant de liquéfier un morceau
d’argent avec 117 miroirs. Dans les Pyrénées Orientales, le four solaire
d’Odeillo, mis en service en 1970, fonctionne selon le même principe : il
concentre la lumière du soleil grâce à un ensemble de 9500 miroirs fixes de 45
centimètres de côté. La lumière frappe ces miroirs après s’être réfléchie sur
63 grand miroirs plans qui suivaient la course du soleil et font face à
l’assemblage de petits miroirs. Ce four solaire peut porter des échantillons à
une température de 3800 degrés. Efficace, mais comme rayon de la mort, on fait
mieux.
La spectaculaire bataille de Syracuse fut longtemps
acceptée sans méfiance. Il fut ensuite contesté car un calcul montre qu’il
aurait fallu au moins 400 hommes portant chacun un miroir d’un mètre carré pour
pouvoir espérer allumer un incendie sur un navire distant d’une cinquantaine de
mètres.
En 2005, un groupe d’étudiants du MIT tenta de reproduire l’expérience, en utilisant 129 miroirs de 30 cm de côté, dirigés vers une structure de bois située à une trentaine de mètres. Les premières tentatives ne furent pas concluantes pour deux raisons. D’abord, le résultat est très sensible à la couverture nuageuse qui, même légère, atténue sensiblement le rayonnement solaire disponible. Ensuite, il est difficile de coordonner un grand groupe de personnes de sorte que toutes orientent leur miroir dans la même direction, de façon durable.
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