Source : Voyage au pays de la Quatrième dimension (édition du centenaire) par Gaston de Pawlowski, Flatland éditeur, collection Le Grenier cosmopolite
Habitués qu’ils étaient aux calmes méthodes
scientifiques, aux déductions logiques et bien équilibrées, ils voyaient
brusquement surgir devant leurs yeux toutes les sensations passées, toutes les
vibrations accumulées dans l’air depuis des siècles, toutes les paroles
inutiles prononcées, toutes les influences mauvaises, les désirs ou les haines,
les apparitions fantomatiques des idées d’autrefois et leurs inconséquences
terribles dans l’avenir.
Ils virent tout ce que la nature, dans sa sagesse,
avait jusque-là caché à l’enfance des hommes, en leur offrant l’objet d’art de
sensations choisies.
Ce fut pour eux comme si, brusquement, un orage
effroyable s’était déchaîné dans la salle. Perçu sous forme d’impressions
lumineuses, ce chaos déconcertant entraînait leur esprit, brisait les
Aphanoscopes dont ils étaient entourés, se déchaînait en tempête dans leur
cerveau affolé. Pêle-mêle, ils essayaient de s’enfuir, mais leurs mains
savamment éduquées, ne rencontraient plus, au long des murs, que des sensations
de goûts inconnues ; les hurlements des spectateurs ne parvenaient plus à
leur cerveau, que sous la forme d’odeurs violentes, et les lumières de la salle
bourdonnaient dans leurs oreilles un affreux tintamarre.
Presque tous, détraqués, démolis, pièce par pièce, comme des machines trop savantes, succombèrent à cette terrible épreuve, et, lorsque la salle fut entièrement évacuée, on ne trouva là le lendemain, que le petit chat du concierge qui, doucement, se léchait, puis de temps à autre, regardait tranquillement, de ses yeux adaptés par une habitude séculaire, les fantômes d’idées qui passent lentement, comme chacun le sait, dans l’atmosphère.
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