Démiurgique

 

Source : Voyage au pays de la Quatrième dimension (édition du centenaire) par Gaston de Pawlowski, Flatland éditeur, collection Le Grenier cosmopolite

L’homme est plus libre que Dieu, il lui est supérieur, comme l’œuvre l’est à l’auteur, puisqu’il est plus complet que lui sur le point qui le concerne. Car Dieu n’est pas Tout puisqu’il cherche à se réaliser et, sans ses créations, qui sont ses pensées, il demeurerait inexistant comme le serait l’esprit humain qui serait sas pensée. Le monde, dans la Conscience universelle, est en ce sens : tantôt, une certitude relative (lois physiques), tantôt une contradiction (œuvres humaines) et l’on peut dire que la personnalité de l’homme est l’humour de Dieu.

L’accord parfait et homogène serait un arrêt de mort pour la Conscience universelle dont la vie est faite de pensées, c’est-à-dire de contradictions ; car si la contradiction cessait au-dedans d’elle-même, il faudrait que le contraire fût au dehors. Du même coup, la Conscience universelle cesserait d’être l’Unique : elle ne serait plus qu’une des idées d’un Unique plus élevé, complètement inaccessible à notre entendement, et ainsi de suite, à l’infini… simple jeu de glaces mathématique que nous ne saurions admettre dans le domaine réel de la pure qualité.

Comment savoir ce qui se passe dans la Conscience unique dont nos personnalités ne sont que les pensées s’épanouissant librement au contact d’autres pensées, comme une graine en son milieu ? Tout simplement en examinant ce qui se passe dans notre esprit. De même qu’il y a dans notre esprit de bonnes et de mauvaises pensées, des pensées misérables qui s’éliminent à un jugement dernier et des pensées sublimes qui domineront les autres, à jamais, de même aussi nos personnalités sont distinctes en qualité et en vigueur dans la Conscience commune, mais toutes sont également libres de persévérer dans leur être, jusqu’aux ultimes conséquences.

Car, de même que, dans la composition littéraire, un auteur n’est plus maître de diriger à sa fantaisie les actes d’un personnage dont il a posé le caractère, sans le priver de la vie ; de même la Conscience universelle ne dispose plus à son gré de l’être pensant qu’elle a créé et qui agit désormais en elle et pour elle, en bien ou en mal.

C’est ainsi que nous sommes, en réalité, les personnages du roman inventés par l’Artiste unique, mais que l’épanouissement de son œuvre dépend notre caractère, de notre style et de notre jeu relativement au reste du Monde. En cette qualité seulement, nous pouvons devenir un des aspects de la Conscience universelle, un des côtés immuable de son Œuvre.

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