Tout d’un coup, le son de la flûte fut
un vagissement ; on entendit la lamentation des enfants qui viennent au
monde, un cri si faible et si plaintif qu’il y eut un hurlement d’horreur. Car
nous voyions d’un même moment, les yeux subitement éclairés de l’avenir, ce que
nous ne pouvions plus avoir et ce que nous détruirions éternellement, la mort
de l’espérance pour les errants de la mer, et les existences futures que nous
avions anéanties. Nous-mêmes sans femmes, rouges de meurtre, épanouis d’or,
nous ne pourrions jamais entendre la voix des enfants nouveaux car nous étions
damnés au balancement des flots, soit que le pont dansât sous nos pieds, soit
que notre tête, coiffée du bonnet noir, dansât à la corde d’une vergue :
notre vie perdue, sans espoir d’en créer d’autres.
Marcel Schwob : La Flûte
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