« J’aurais trop peur que ce soit un Belge »

 

Tout d’un coup, le son de la flûte fut un vagissement ; on entendit la lamentation des enfants qui viennent au monde, un cri si faible et si plaintif qu’il y eut un hurlement d’horreur. Car nous voyions d’un même moment, les yeux subitement éclairés de l’avenir, ce que nous ne pouvions plus avoir et ce que nous détruirions éternellement, la mort de l’espérance pour les errants de la mer, et les existences futures que nous avions anéanties. Nous-mêmes sans femmes, rouges de meurtre, épanouis d’or, nous ne pourrions jamais entendre la voix des enfants nouveaux car nous étions damnés au balancement des flots, soit que le pont dansât sous nos pieds, soit que notre tête, coiffée du bonnet noir, dansât à la corde d’une vergue : notre vie perdue, sans espoir d’en créer d’autres.

Marcel Schwob : La Flûte

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