Source : Préface par Eugène Canseliet, in. Aspects de l’alchimie traditionnelle, par René Alleau, , textes et symboles alchimiques, suivi de « La Pierre de touche d’Huginus À Barma (1657) », éditions de Minuit, relecture… longtemps après.
Le vitriol des philosophes, s’il est bien un sel, doit
sa couleur verte au fluide cosmique, au spiritus mundi des alchimistes,
qu’il retient après l’avoir reçu du mercure des sages. Ce dernier est l’aimant
de Philalèthe, la parcelle du chaos primordial que le Père a laissée sur la
terre à la disposition des hommes de bonne volonté, le corps unique par le quel
il fait à l’Élu le don de son Fils.
La notion philosophique de l’esprit universel est
sincèrement éveillée, en une claire similitude par Etteilla, que rien ne
rebutait, ni la sotte curiosité des fâcheux, ni même la désolante abjection d’un
peuple se donnant carrière. « Cette première matière semble assez bien
être cette légère mousse qui croît avec le temps sur les vieux toits de chaume
et sur les ruines des édifices. » (Les Sept Nuances de l’Œuvre,
page 3)
Quel singulier alchimiste il fut (sous ce nom d’emprunt
formé de son patronyme Alliette lu à rebours) coiffeur de son état, 48, rue de
l’Oseille, dans le Marais et s’intitulant « professeur d’algèbre,
astrophilastre, et restaurateur de la cartomancie pratiquée par les Égyptiens »
Il se disait disciple du comte de Saint-Germain, qu’il affirmait être « le
vrai et unique auteur du Philalèthe et de qui il annonçait le voyage à
Paris, en 1787 ou 88, au plus tard… encore que le mystérieux personnage fût
décédé, croit-on, en 1784. Voici en quels termes il invoque son puissant
maître, avec qui il est tout de même indéniable que Louis XV et Mme de
Pompadour, nonobstant la rigoureuse étiquette de l’époque, soupaient intimement
en de longues soirées, allant jusqu’à lui réserver un appartement tout auprès
d’eux, pendant leurs courts déplacements en province. »
« Agréé de la Rose+Croix, savant et sage
Saint-Germain, le favorisé de bientôt 65 lustres, qui m’avez confié la première
éducation de l’une de vos parentes, rendez-vous à ma prière en m’aidant de vos
sages conseils à éclairer, sur les hautes sciences, mes inestimables
contemporains. »
Quant à la corporification du fluide universel, l’image
offerte par Etteilla se montre en accord avec le choix que les vieux auteurs,
avant lui, firent du Nostoc, dans le même but. On connaît cette algue
terrestre, qui, au printemps, apparaît soudain dans les allées des jardins,
telle une sorte de gelée gluante et vert sombre. Elle s’y évanouit, d’ailleurs,
aussi rapidement, sous les rayons du soleil, sans laisser la moindre trace,
quel qu’en ait été le volume parfois très important. Où ce cryptogame prend-il
l’humidité qui le forme et le colore et par laquelle il se prête si
parfaitement à l’analogie philosophique ?
Celle-ci, en effet, lui fait partager, avec l’émeraude
des Sages, les expressions nombreuses qui les signalent dans les traités :
Crachat de mai, crachat de lune, archée du ciel, vitriol végétal, beurre
magique, écume printanière, fleur du ciel, graisse de rosée, purgatoire des
étoiles, trône de la terre, etc. L’étymologie que nous tirons du grec, est à
retenir en tout cas, pour laquelle nous séparons le vocable en ses deux
syllabes, « nos » et « toc » ; la
seconde reproduisant le substantif « tokos », enfantement,
naissance ; la première, le génitif de « noôs »,
c’est-à-dire « de l’esprit. »
Le Nostoc serait donc, littéralement, la génération de l’esprit. C’est bien ce que l’artiste vérifie, pour peu que les conditions extérieures du travail soient respectées, au cours des réitérations du premier œuvre, dans le bel émail vert olive qu’il recueille et qui lui révèle également que le rayonnement cosmique est pesant et odoriférant. Cette matière subtile possède, en vérité, la pondérabilité du Christ incarné, sa couleur verte et son odeur qui est celle de la fumée de l’encens.
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