Schatten des Todes

 

Ill. : Cabaret du Néant. Source : Mystiques, spirituels, alchimistes du seizième siècle allemand, par Alexandre Koyré, éditions Gallimard, collection Idées.

Il faut tout expliquer, il faut rendre compte et des songes prophétiques, et des maisons hantées, d’apparitions, et de l’action magique de la volonté, et du fait que l’on peut communiquer à distance, et se faire en plein hiver apporter, à Berne, des roses couvertes de rosée, fraîchement cueillies à Valence.

Paracelse ne s’embarrasse pas pour si peu. Personne d’ailleurs à son époque ne s’en embarrasse. Porta ou Telesio pas plus qu’Agrippa ou Trithème. Tout est possible en effet, car rien ne peut dépasser la puissance créatrice et productrice de la nature. D’ailleurs comment douterait-on de la possibilité d’un fait. La critique du fait, critique historique du témoignage, ne se constituera que sur base d’une ontologie nouvelle, à partir du moment où la notion de l’impossible aura repris un autre sens. Historiquement, on arrivé au non esse en partant du non posse et non inversement.

Très sérieusement, suivant des exemples illustres, Paracelse nous explique que les choses de passent d’une manière fort simple et qu’il n’y a aucunement lieu de s’étonner ou de croire au miracle ou à une action diabolique. Le corps physique se dissout dans la tombe, mais, même pour le corps physique, il faut encore du temps avant que ses éléments retournent dans le chaos ; de même, l’esprit corporel subsiste pendant un certain temps après la mort et il est tout à fait naturel que cet esprit, qui était en quelque sorte le moteur, subordonné à l’âme, du corps, continue à « marcher » quelque temps encore, par inertie, par habitude, pour ainsi dire, et que, par conséquent, il hante les lieux où son corps avait habité, exécute les simulacres de gestes qu’il avait exécutés pendant sa vie, revient vers le trésor qu’il avait caché.

Il ne faut pas croire, cependant, que cette ombre, « Schatten », possède autre chose que l’ombre de la vie. Les larves, « larvae », ne sont que simulacres, ils ne sont qu’images flottantes de la vie passée, habitude qui a pris corps, ou pour être plus exact, qui a conservé un simulacre de corps. L’âme n’y est plus, et, par conséquent, ils n’ont ni force, ni volonté, ni conscience. Tout autre chose, par contre, est l’evestrum, le corps astral de l’âme, ou l’âme munie de son corps astral. Cet être-là, étant une force et un centre d’action, et de pensée, peut agir, peut déterminer des actions physiques, peut traverser avec une vitesse extrême les régions les plus éloignées de l’espace, peut aussi agir directement, c’est-à-dire sans passer par la physique, sur les âmes. Et c’est l’evestrum qui vous apporte des nouvelles et permet aux vrais mages de communiquer entre eux. On sait qu’Agrippa de Netteshaim enseignait quelque chose d’analogue.

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