Cette Bible dont vous avez proclamé l’infaillibilité,
quelle est, au fond, son rôle ? Si on la prend à la lettre, c’est un tissu
d’erreurs, de contradictions, de choses immorales ; et comme son maître
Érasme, Sébastian Franck proclame : la Bible, prise à la lettre, ne vaut
pas mieux, du point de vue moral, que Tite-Live ou Ovide. Il est évident que
l’on ne peut pas se borner à en exposer la Lettre et Franck, par deux fois,
dans ces célèbres Paradoxes et dans le Livre scellé de sept scellés
amasse avec beaucoup d’esprit les textes contradictoires des Écritures et
présente au lecteur une véritable somme de discordantia scripturae.
N’allons pas en conclure que Franck rejette l’Écriture. Il n’en est rien. Les
textes de l’Écriture s’opposent et pourtant, ils sont justes. L’homme est taxé
de sage ou de fou et l’un et l’autre jugement est vrai. Franck serait-il
sceptique ? Aurait-il poussé son scepticisme jusqu’à placer la
contradiction en Dieu Lui-même, jusqu’à admettre la relativité et l’équivalence
des opinions humaines, jusqu’à abandonner l’idée de la vérité ?
Alexandre Koyré : Mystiques, spirituels, alchimistes du seizième siècle allemand
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