Source : Métaphysique du sexe par Julius Evola, éditions de L’Âge d’homme, Guy Trédaniel, traduction et préface de Philippe Baillet, relecture en cours, 2009-2024, livre important
L’avènement du Messie reçoit, dans les doctrines de
Jacob Frank, une interprétation ésotérique comme quoi ce n’est plus un
phénomène historique ou collectif, mais le symbole d’un réveil intérieur
individuel, de l’illumination qui libère et mène au-delà de la Loi.
À cela s’associe le thème spécifiquement sexuel, en
tant que la force mystique du Messie est placée dans une femme : on
affirme aussi que le mystère de l’illumination et du salut ne s’accomplit que
par l’union sexuelle avec une femme. Frank enseigne : « Je vous
dis que tous les Juifs se trouvent dans un grand malheur parce qu’ils attendent
la venue du Sauveur et non celle de la Femme. »
En raison d’une certaine interférence avec la doctrine
de la Shekinah, cette Femme, ou Vierge, finit par s’identifier totalement à
l’archétype féminin, à la Femme une présente dans chaque femme, et transcendant
chaque femme, car il est dit : « Elle a en son pouvoir de
nombreuses jeunes femmes qui, toutes, reçoivent d’elle leur force, d’où il suit
qu’elles perdent tout pouvoir si la Vierge les abandonne. »
Pour Frank, celle-ci « est une porte de Dieu,
par laquelle on entre en Dieu », et il ajoute : « Si vous
étiez dignes de prendre cette Vierge, en qui réside toute la force du monde,
vous seriez aussi en mesure d’accomplir l’Œuvre, mais vous n’êtes pas dignes de
la prendre. » Par Œuvre, on entend ici la célébration d’un
mystère sexuel, orgiaque, dont il est dit : « Au moyen de cette
Œuvre, nous nous approchons de la chose qui est entièrement nue et dévêtue, et
c’est pourquoi il nous faut l’accomplir. » Peut-être y a-t-il ici une
correspondance avec la « vision de la Diane nue » ; quoi
qu’il en soit, de la grâce accordée par cette Vierge kabbalistique,
procéderaient divers pouvoirs et réalisations, selon le degré de chacun.
Des idées de ce genre doivent avoir entretenu quelque
relation avec un enseignement initiatique originel, mais dont la divulgation
finit par conduire à des abus et à des déviations ; cela se vérifia
dans le sabbataïsme où, entre autres choses, la doctrine du « mystère
messianique de l’éveil » et de la réalisation de l’Un semble avoir donné
lieu à des orgies à finalité mystique, centrées sur une jeune femme nue, qui
était adorée sous différentes formes de sexualité aberrantes.
On a vu dans ces orgies, avec raison, une reviviscence déformée d’anciens cultes de la Déesse mère, par exemple ceux d’Ishtar. Comme chez les Kaulas tantriques, et les « Frères du Libre esprit » médiévaux, revient, dans ces courants hébraïques se servant de la femme et du sexe, le thème de l’impeccabilité de l’Illuminé quoi que fasse celui-ci, sinon, « ce serait comme si Dieu se punissait Lui-même. »
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