Source : Hermès, l’Égyptien, une approche historique de l’esprit du paganisme tardif, par Garth Fowden, éditions Les Belles Lettres, collection L’Âne d’or
Il arrive que des sociétés traditionnelles, lors de
leurs premiers contacts, avec les colonisateurs occidentaux, réagissent par une
désintégration culturelle, voire, à des degrés divers par un suicide collectif.
Confrontées à l’impossible exigence de trouver un modus
vivendi entre les anciennes valeurs et les anciens modes de vie, d’une part, et
la pression de l’intrusion occidentale, de l’autre, une société traditionnelle
relativement primitive peut perdre tout confiance dans son propre univers
symbolique et, ainsi désorientée, glisser progressivement dans un désespoir
complet. La vie sociale commence par s’atrophier et va parfois jusqu’à se
pervertir tout à fait, ce qui peut se traduire par le renversement des rôles
sexuels, le délaissement de l’amitié, et des autres liens sociaux. La
dissolution de la famille, l’abandon des faibles et des malades, l’évitement de
la procréation, l’abandon des enfants, et, pour finir, le suicide par
inanition.
Dans le Discours parfait comme dans ces sociétés condamnées par le monde contemporain, la mort de la foi et du culte des dieux est l’une des formes du désespoir social. De plus en plus orientée vers l’au-delà, de plus en plus séparée de la vie quotidienne, la religion dégénère en s’autoparodiant.
Une illustration frappante en est fournie par les Unambal, tribu aborigène d’Australie, dont les cultes emploient le « parler petit nègre » et ne s’adresse pas aux dieux traditionnels, mais à des démons malveillants qui ressemblent aux hommes blancs, et transmettent des maladies à ceux qu’ils vénèrent. Les anciens dieux sont réputés avoir abandonné le pays et s’en être allés au-delà de l’horizon : les objets sacrés qui leur étaient liés ont été vendus aux ethnologues blancs. Il n’y a pas d’autre choix que de capituler devant l’étranger tout-puissant.
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