Les civilisations précolombiennes d’Amérique centrale
et méridionale étaient loin d’être des sociétés primitives ; elles étaient
à mille lieues de prévoir l’irruption des Espagnols sur leur continent. La
tradition indienne soutient que l’arrivée des conquérants avait été annoncée
par des présages affectant la nature tout entière ; et l’effondrement de
l’ancien régime des Incas, par exemple, qui était identifié à l’ordre cosmique
à travers le culte du soleil, fut certainement perçu comme un cataclysme universel.
Les Aztèques, et les Mayas, de même, ont vu dans leur défaite la déposition et
la mort de leurs dieux nationaux, jusqu’alors tout-puissants. La conquête fut
suivie d’une catastrophe démographique, qui
n’était pas seulement due à la mort d’innombrables indigènes du fait de
la guerre, de l’oppression et des maladies contre lesquelles ils n’étaient pas
immunisés, mais également au déclin du taux de natalité. Nombreux furent ceux
qui se suicidèrent ; les femmes, désespérées, tuaient leurs nouveau-nés.
Les Indiens perdirent leur terre et se virent imposer une économie de marché,
qui leur était entièrement étrangère. Pire encore, leurs dieux furent déclarés
hors-la-loi et même leurs coutumes funéraires furent interdites ; Bref, en
même temps que « l’ancien régime », ce fut aussi un monde spirituel
qui disparut. Rie ne l’illustre mieux que l’abandon par les Mayas de leur
calendrier, qu’ils avaient préservé si méticuleusement, et depuis si longtemps.
Ils cessèrent d’ériger les stèles traditionnellement inaugurées en public pour
marquer le début de chaque cycle de vingt-deux ans. Le temps lui-même avait
perdu sa signification.
Garth Fowden : Hermès, l’Égyptien
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