Azoth rundown

 

Source : Cagliostro par Philippe Brunet, éditions François Bourin, collection Le Grand livre du mois

Généralement, les alchimistes s’accordent pour dire que la matière originelle est une substance obtenue après évaporation d’une certaine quantité de rosée matinale ; ladite rosée ayant été recueillie sur de grands draps tendus sur les prés à l’époque où le Soleil se trouve entre le Bélier et le Taureau, autrement dit, « durant la pleine lune de mai », comme le précise Cagliostro.

Ensuite, commence la phase la plus secrète et la plus gardée : la préparation de la Materia prima. Durant cette opération, la substance doit délivrer ses qualités élémentaires. Pour ce faire, on l’associe avec les trois agents herméneutiques de l’art royal : le soufre, le mercure et le sel.

Sans trahir l’esprit de l’œuvre, mais en schématisant à l’extrême, on peut comparer cette phase à une fécondation « in vitro », une parthénogenèse au cours de laquelle la matière originelle serait le sperme et le soufre, un principe actif chargé de projeter la semence dans un principe femelle, symbolisé par le mercure. Le sel, lui, ne serait qu’un agent de liaison entre les deux principes. Cette étape, Cagliostro la situe au dix-septième jour de la régénération, lorsque, dans les verres de rosée prescrits au patient, il ajoute quelques gouttes de baume d’azoth, c’est-à-dire quelques gouttes de ce mélange de soufre et de mercure « intimement et inséparablement unis » qui fait le « mercure philosophal. »

La fécondation terminée, la gestation commence : la préparation est de mise dans un four dont la chaleur se substitue à la chaleur des entrailles de la mère. Durant cette cuisson, on observera trois grandes étapes, chacune dominée par une couleur : noir, blanc et rouge.

La première de ces étapes, dite Œuvre au noir, est caractérisée par la corruption et la putréfaction de la matière contenue au sein du matras. Dans cette période de désintégration totale, l’adepte lui-même connaît les affres d’une mortification rageuse. Le Grand Œuvre participant autant du matériel que du spirituel, sa conscience s’identifie au processus de décomposition engagé dans l’alambic, et sa personnalité est littéralement corrodée par la violence des forces énergétiques qui cherchent à s’échapper de la masse chaotique. De la même manière, le candidat à la régénération physique traversera une période noire au cours de laquelle il connaîtra des « convulsions, des transpirations et des évacuations considérables. »

« Solve et coagula » : dissous et coagulé est l’axiome majeur du Grand Œuvre. La dissolution ayant lieu, le calme succède à la tempête et, par sublimation, l’Œuvre au blanc dépouille la puissance naturelle de ses impuretés et libère les esprits subtils de la matière. C’est l’heure de l’absolution, de la résurrection qui convertit le corps en esprit et l’esprit en corps. C’est l’heure où, pour le patient du Grand Copthe, les cheveux, les dents et la peau se renouvellent.

Puis, vient le couronnement, l’Œuvre au rouge, au terme de laquelle l’adepte contemple le résultat de sa quête : la pierre merveilleuse couleur de rubis. La pierre philosophale qui, nous dit Arnaud de Villeneuve, « guérit toutes les maladies, enlève le poison du cœur, humecte la trachée artère, libère les bronches, guérit les ulcères. Qui guérit en un jour une maladie qui durerait un mois, en douze jours une maladie d’un an, une plus longue en un mois. Qui rend aux vieillards la jeunesse. » La pierre philosophale demeure, avant tout, l’aboutissement d’une formidable expérience spirituelle durant laquelle l’homme s’unit en Dieu par l’extase, jusqu’à pouvoir prétendre développer en lui des pouvoirs divins.

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